Aller au contenu principal
|

ÉDITO#1

Comme s’il s’agissait une dernière fois de raconter le monde…

Notre saison s'ouvre par Le Palais enchanté de Rossi, opéra-monde, joyau baroque exhumé de la bibliothèque du Vatican par le chef d'orchestre Leonardo García Alarcón et mis en scène par Fabrice Murgia. Matthieu Dussouillez, directeur général, raconte comment est né ce projet hors-norme.

Ce projet est né en 2018 à l’Opéra de Dijon, où j’occupais alors le poste de Directeur général adjoint auprès de Laurent Joyeux et où Leonardo García Alarcón était artiste en résidence. Ce chef d’orchestre, avec lequel nous avions déjà réalisé de beaux spectacles, nous avait proposé Le Palais enchanté de Rossi, dont il avait exhumé la partition de la bibliothèque du Vatican. Sur le papier, ce pur produit de l’opéra romain paraissait démesuré, avec sa galerie pléthorique de personnages, ses doubles et triples chœurs, ses chevaliers, ses nains, ses géants et ses multiples métamorphoses… Mais Leonardo est un authentique explorateur qui a la capacité de rendre réalisables les rêves les plus fous.

Ce projet était aussi l’occasion de collaborer avec Fabrice Murgia, dont j’admirais le travail au théâtre. Il avait déjà mis en scène des opéras, mais plutôt des créations contemporaines. Le répertoire baroque lui offrait un nouveau champ d’expérimentation. C’est un metteur en scène capable de rendre lisibles les intrigues les plus complexes : lors de la remise de maquette, je me souviens qu’il avait préparé des diagrammes colorés pour expliciter les relations entre les personnages du livret. C’est ce que j’aime dans son théâtre : il est concret et pragmatique tout en demeurant poétique. Il s’agit d’une forme de poésie cash.

C’est également un réalisateur virtuose qui, au plateau, gère la vidéo live avec maestria. Il aime d’ailleurs à se présenter comme un enfant de Brecht et de Spielberg. Il y a dans cette affirmation comme un antagonisme, entre la distanciation brechtienne et l'émerveillement assumé des blockbusters de Spielberg, mais cet antagonisme ne fait pas peur à Murgia. Tout cinématographiques qu’ils soient, ses spectacles sont profondément incarnés : la virtuosité technique ne sacrifie jamais à la présence humaine qui est l’essence du spectacle vivant.

Cet été, il a monté au Festival d’Avignon La dernière Nuit du Monde, sur un texte de Laurent Gaudé : une dystopie dans laquelle l’auteur imagine une pilule qui permettrait d’en finir avec le sommeil. Le titre de ce spectacle me rappelle une expression que Murgia a souvent employée lors de nos discussions à propos du Palais enchanté, créé en 1642 dans une Rome où l’opéra brille de ses derniers feux : « Cet opéra, c’est comme s’il s’agissait, une dernière fois, de raconter le monde. »

Et aussi

Cookies

En continuant à naviguer sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies. En savoir plus