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Scènes de la vie amoureuse

Entretien avec Kevin Barz

Kevin Barz

Pour capter à travers la ville les scènes de Êtes-vous amoureux ?, le metteur en scène Kevin Barz a coiffé la casquette du réalisateur. Il nous raconte la folle aventure qu'a été cet intense mois de tournage.


L’originalité de cette création - Êtes-vous amoureux ? - est de se baser non sur un livret d’opéra ni sur l’adaptation d’une pièce de théâtre mais sur des interviews réalisées auprès de Nancéiens. Ce matériau original lance-t-il un défi particulier au metteur en scène que vous êtes ?

Kevin Barz : Oui, faire du théâtre musical en partant d’interviews est un défi. Ces histoires d’amour racontées par les Nancéiens que nous avons interrogés ont quelque chose de paradoxal : elles sont pleines de vie et de vécu tout en présentant peu ou pas d'intrigue. D’autre part, la situation d’une interview étant toujours la même - une conversation entre deux personnes - son potentiel réside entièrement dans le propos de la personne interrogée et dans la manière dont cette personne raconte son histoire : est-elle ouverte ou fermée, sûre d’elle ou hésitante ? Est-ce qu’elle s’empare de l’espace d’expression que nous lui offrons pour dire des choses qu’elle gardait en elle depuis longtemps ? Ou est-ce qu’au contraire, l’intervieweur doit subtilement la guider et l’aider à accoucher de son récit ? Dans le cas de cette création, la démarche adoptée par Chloé, Alexandra et Paul a permis d’obtenir des textes d’une sincérité et d’une intimité que l’on trouve rarement à l’opéra. La méthode de composition de Paul, qui consiste à transcrire les mélodies de la voix parlée, permet au spectateur de ressentir tout ce que de simples mots ne peuvent communiquer : les sentiments, les émotions, l'atmosphère de la conversation et du lieu... Tout devient tangible. Nous avons sélectionné douze récits parmi plus de cinquante interviews : ce sont ces récits qui sont exposés dans notre “musée de l’amour”, et tiennent lieu d’une infinité d’histoires. Ces expériences sont si personnelles qu'il paraît impossible de dessiner à travers elles une image complète du sentiment amoureux. Ce ne sont que des “fragments”.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle des quatre solistes dans le spectacle. Vont-ils rejouer les rôles des personnes que vous avez interviewées ?

Kevin Barz : Tout comme nous ne prétendons pas vouloir donner une image exhaustive de l'amour, nous n’entendons pas non plus jouer les personnes interviewées. Ces quatre chanteurs guident les spectateurs à travers notre “musée de l’amour” en interprétant des rôles variables, tandis que le chœur assume le rôle de l’interlocuteur, de l’intervieweur, en posant des questions. L'image de ces personnes est évanescente : elle émerge et se présente à l'esprit du public tout en demeurant floue, suspendue : est-ce l'histoire d'amour “classique” d’une femme ? Est-ce une histoire de trahison “typique” d'un homme ? La matière musicale recueillie par Paul dessine les traits de ces personnages, leur langage et leurs émotions. La reconstruction des histoires et le questionnement qui y est associé permettent au spectateur de les relier à ses propres expériences.

Vous avez choisi de rejouer ces histoires hors-les-murs, dans différents lieux de la ville...

Kevin Barz : Cet opéra ne trouve pas son origine dans l’atelier du compositeur ou du librettiste, mais dans les rues de Nancy. Aussi était-il important pour moi de le réinscrire dans cette même ville. Ces histoires ne nous appartiennent pas : elles nous ont été offertes ou prêtées par les Nancéiens, qu’ils s’intéressent ou non à l’opéra. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que notre “musée” s'étende à la ville toute entière, de sorte que chacune des douze histoires y trouve sa place, sa “scène”. Nous souhaitions que l’opéra se déplace dans des endroits improbables, qu’il insuffle une forme de poésie dans des lieux de notre quotidien. Les “objets” exposés dans notre “musée” sont des scènes filmées dans ces lieux. Nous avons cherché des images, des allégories, des associations qui déplacent poétiquement les interviews plutôt que de les illustrer.

Comment les spectateurs pourront-ils découvrir ces scènes ?

Kevin Barz : Nous avons mis en place un système de QR Codes dans les lieux où nous avons tourné ces vidéos : toute personne qui scanne ce QR Code peut voir la scène sur son téléphone portable. Ces vidéos ont l’avantage d’être disponibles à n’importe quel moment : le matin, sur le chemin du travail, le soir, en rentrant, ou l’après-midi en se promenant… Et elles durent toujours, comme toutes les grandes histoires d'amour.

Propos recueillis par Simon Hatab

Kevin Barz vous parle de Êtes-vous amoureux ? en vidéo :

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